La rubrique Notes sur la pratique se veut être un outil éducatif pour aider les travailleuses et les travailleurs sociaux, les techniciennes et les techniciens en travail social, les employeurs et les membres du public de l’Ontario à mieux comprendre les questions fréquentes que traitent le Service de la pratique professionnelle et le comité des plaintes de l’Ordre, et qui pourraient toucher la pratique quotidienne des membres. Les Notes offrent des directives générales uniquement, et les membres qui ont des questions particulières sur la pratique doivent consulter l’Ordre, puisque les normes pertinentes et le plan d’action approprié varient suivant la situation donnée.
En vous inscrivant à l’Ordre, vous devenez membre d’une communauté de pairs dévoués qui exercent leur profession selon un code de déontologie et des normes professionnelles. Votre inscription démontre que vous avez satisfait aux critères imposés pour l’inscription à l’Ordre, notamment en matière de diplômes et d’expérience professionnelle. En participant au Programme de maintien de la compétence (PMC) et en vous engageant à poursuivre un perfectionnement professionnel continu, vous vous efforcez de maintenir votre compétence dans l’exercice de votre profession tout au long de votre carrière. Les membres de l’Ordre s’engagent à fournir des services professionnels de façon éthique et compétente, en offrant des recommandations et des opinions corroborées par des éléments de preuve et fondées sur des connaissances professionnelles crédibles.
De nombreux membres consultent le Service de la pratique professionnelle de l’Ordre pour obtenir des conseils à propos de situations dans lesquelles leur jugement professionnel et leurs obligations peuvent aller à l’encontre d’idées, d’orientations et de politiques que les employeurs ou d’autres personnes cherchent à leur imposer. Les membres doivent se rappeler qu’ils sont tenus de respecter les normes de pratique et qu’en tant que professionnels et membres de l’Ordre, ils sont responsables devant l’Ordre de leur pratique et de leurs décisions, ce qui peut avoir des conséquences cruciales pour leurs clients.
Considérons le scénario suivant :
Scénario 1
Un membre travaille dans un centre de services de toxicomanie. Le centre offre des services à toutes les étapes du rétablissement, y compris aux clients qui consomment encore des drogues ou autres substances. Un membre rencontre une cliente et, au cours de la séance, la cliente lui révèle qu’elle a encore des substances illégales en sa possession. Après la séance, le membre discute avec ses collègues dans le cadre d’une réunion régulière d’équipe, et plusieurs de ses collègues croient fermement qu’il devrait signaler cet incident à la police, pour la protection des autres clients et parce que la cliente a enfreint la loi. Le centre n’a pas de politique exigeant de signaler les clients en possession de substances illégales et un tel signalement ne fait pas partie des conditions auxquelles la cliente a consenti pour recevoir des services du centre. De fortes pressions sont exercées sur le membre pour le forcer à signaler sa cliente , mais il est persuadé que cela violerait la confiance que celle-ci lui accorde.
Dans ce scénario, le membre devrait considérer les points suivants :
- Quels principes des Normes d’exercice (y compris le principe I, Relation avec les clients et le principe V, Confidentialité) sont pertinents?
- Quelle est la législation applicable en matière de divulgation de renseignements sur les clients?
Le membre a communiqué avec le Service de la pratique professionnelle pour obtenir des conseils, car il se sentait tiraillé. Il pensait que les membres de son équipe, du fait de leurs valeurs et de leurs opinions, le poussaient à contacter la police. Il savait néanmoins qu’il n’avait pas la permission de la cliente de divulguer à la police les renseignements qu’elle lui avait révélés pendant la séance. Il estimait qu’il n’y avait aucun risque pour les autres clients. Le membre a déclaré que cette situation avait créé un environnement de travail inconfortable et qu’il se sentait coincé entre deux mauvais choix.
Lors de la discussion avec le Service de pratique professionnelle, il a été reconnu que les membres peuvent souvent faire face à des situations difficiles et qu’ils doivent consulter Le Code de déontologie et manuel des normes d’exercice pour prendre une décision, car ce document établit les normes minimales de pratique et de conduite professionnelles. Toutes les consultations sur la pratique professionnelle incluent une analyse des normes d’exercice applicables aux problèmes soumis par les membres.
Le principe I, Relation avec les clients, qui précise que les membres doivent être « conscients de leurs valeurs, attitudes et besoins et de l’influence que cela peut avoir sur leurs relations professionnelles avec les clients » [1] a été examiné. Même si le membre estimait que ses valeurs et attitudes personnelles n’avaient aucune incidence sur les services qu’il fournissait à ses clients, il a noté que cette norme pourrait être pertinente concernant l’influence que les valeurs de ses collègues pourraient avoir sur lui. De plus, le membre a exprimé son désir de résoudre le différend que la situation avait créé au sein de son équipe. Le membre a noté qu’il devait faire la distinction entre « ses besoins et intérêts personnels et ceux de ses clients afin de veiller, dans le cadre de ses relations professionnelles, à placer les besoins et intérêts de ses clients au premier plan ».[2]
On a en outre discuté avec le membre du fait que les normes d’exercice exigent que les membres « respectent toutes les lois sur la protection de la vie privée et autres lois applicables. Les membres de l’Ordre obtiennent le consentement pour la collecte, l’utilisation ou la divulgation des renseignements sur le client, y compris des renseignements personnels, sauf s’ils sont autrement autorisés ou contraints par la loi. »[3] Le membre savait que sa cliente n’avait pas consenti à la divulgation des renseignements la concernant à la police, mais il ne savait pas s’il était tenu, en vertu de la loi, de signaler que sa cliente avait commis un crime.
Après sa discussion avec l’Ordre, le membre a retenu les services d’un avocat et a demandé une opinion juridique, après quoi il a conclu qu’il n’avait d’obligation de signalement. Le membre a appliqué son jugement clinique et déterminé qu’il n’était pas autorisé à divulguer l’information concernant la cliente, et que la réflexion résultant des opinions tranchées et des valeurs exprimées dans le cadre de ce scénario serait bénéfique pour son équipe.
Considérons le scénario suivant :
Scénario 2
Une membre travaille dans une équipe de santé mentale communautaire. Sa cliente a assisté régulièrement à des rencontres avec elle, s’est rendue aux visites chez son psychiatre et a suivi le traitement qu’on lui a recommandé. La cliente subit alors une perte inattendue, et sa santé mentale semble se détériorer rapidement. Le jeune fils de la cliente vit chez elle et, lors des visites à domicile, la membre constate que la maison n’est pas bien entretenue et qu’il n’y a rien à manger dans la cuisine. De plus en plus préoccupée par la situation, la membre se rend de nouveau au domicile de sa cliente, accompagnée cette fois du psychiatre de l’équipe. Pendant la visite, la cliente révèle qu’elle a laissé son fils seul à la maison la nuit pendant qu’elle sortait avec des amis. Son fils a également manqué beaucoup de jours de classe à l’école. La cliente est en larmes et a des remords et demande à la membre et au psychiatre de ne pas faire de rapport à la Société d’aide à l’enfance (SAE). Le psychiatre accepte à condition que la cliente reste à la maison le soir, qu’elle reprenne son traitement recommandé et qu’elle se rende à des visites plus fréquentes au bureau. En quittant la maison, le psychiatre explique à la membre qu’à son avis, un rapport à la SAE serait préjudiciable à la relation thérapeutique et pourrait aggraver encore l’état de la cliente. Le psychiatre demande à la membre de rediscuter du besoin de signaler le cas à la SAE dans deux semaines.
Dans ce scénario, la membre devrait considérer les points suivants :
- Quels principes des Normes d’exercice (y compris le principe II, Compétence et intégrité et le principe V, Confidentialité) sont pertinents?
- Quelle est la législation applicable et qu’est-ce que cette législation exige?
La membre a communiqué avec le Service de la pratique professionnelle pour obtenir des conseils. Elle a déclaré qu’elle se sentait obligée de suivre les instructions du psychiatre en raison du déséquilibre inhérent de pouvoir entre leurs deux postes au sein de l’équipe. Elle a expliqué que le psychiatre lui avait dit qu’il avait la responsabilité ultime des soins prodigués à la cliente et qu’il était responsable des conséquences des décisions prises en matière de traitement.
Il a été reconnu qu’il existe effectivement des déséquilibres de pouvoir au sein des équipes et des organisations. Néanmoins, les membres de l’Ordre sont responsables de leur propre conduite et de leur jugement professionnel. Les normes d’exercice servent de base à l’exercice sérieux membres et déontologique de la profession[4], et il faut donc en tenir compte.
Ces normes exigent que « les membres de l’Ordre se tiennent informés des politiques, lois, programmes et questions ayant un rapport avec la communauté, ses institutions et services dans leurs domaines d’exercice. »[5] La membre savait que la législation pertinente dans ce scénario était la Loi sur les services à l’enfance et à la famille (LSEF), qui précisent les déclarations obligatoires auxquelles les membres sont tenus.[6]
La membre a déclaré que, conformément aux normes d’exercice, la cliente avait été informée des limites de la confidentialité au début de leur relation thérapeutique[7] et qu’elle était au courant des obligations de déclaration de la membre en vertu de la LSEF. On a rappelé à la membre que « les membres de l’Ordre respectent la vie privée de leurs clients en veillant à ce que tous les renseignements les concernant restent strictement confidentiels et en observant toutes les lois sur la protection de la vie privée et autres lois applicables. Les membres de l’Ordre ne divulguent de tels renseignements que lorsqu’ils y sont contraints ou autorisés par la loi, ou lorsque les clients ont consenti à la divulgation de ces renseignements ».[8]
La membre a fait valoir que l’enfant de la cliente était présentement à risque et que si elle devait attendre deux semaines avant de faire une déclaration, comme l’avait suggéré le psychiatre, ce risque serait accru. Sachant cela, la membre ne pouvait pas justifier la décision de ne pas faire rapport à la SAE. La membre a donc décidé qu’elle devrait faire un rapport immédiatement en vertu de la LSEF, et qu’elle devrait expliquer cette décision au psychiatre de son équipe.
Considérons le scénario suivant :
Scénario 3
Une membre travaille pour un organisme religieux qui fournit un soutien aux personnes en fin de vie. L’organisme a adopté une politique selon laquelle il ne fournira aucune aide médicale à mourir (AMM) à ses clients. Un client demande à la membre des renseignements au sujet de l’AMM. La membre informe le client que son organisme n’offre pas ce choix de traitement, mais lui indique où il peut se procurer des renseignements au sujet des ressources en AMM. La membre informe son chef de service de cette interaction avec le client, et le chef lui demande de ne pas mentionner cette intervention dans le dossier du client, car cela va à l’encontre de la politique de l’organisme.
Dans ce scénario, la membre devrait considérer les points suivants :
- Quels principes des Normes d’exercice (y compris le principe II, Compétence et intégrité, le principe III, Responsabilité envers les clients et le principe IV, Dossier de travail social et de techniques de travail social) sont pertinents?
- Quelle est la législation ou la politique applicable?
La membre a communiqué avec le Service de la pratique professionnelle pour obtenir des conseils, car elle n’était pas certaine de ce qu’elle devait faire. Elle était confuse, car elle avait clairement indiqué au client que l’organisme avait pour politique de ne fournir aucun traitement d’aide médicale à mourir. Elle avait fourni au client les informations qu’il demandait, mais on lui disait maintenant de ne pas documenter ce qu’elle avait fait. Naturellement, la situation la mettait mal à l’aise.
La membre avait lu l’article de l’Ordre intitulé « Aide médicale à mourir : quelles sont mes obligations professionnelles? » et savait que le projet de loi C-14 avait été adopté et que les modifications apportées au Code criminel autorisaient la prestation légitime d’AMM.[9] Elle savait aussi que d’autres professions réglementées ont des politiques qui obligent ceux de leurs membres qui ne veulent pas fournir eux-mêmes des services d’AMM à orienter efficacement les patients vers un autre professionnel qui ne s’y oppose pas, est disponible et accessible.[10]
La membre était consciente de ses responsabilités, telles qu’énoncées dans les normes d’exercice, d’« aider les clients à obtenir les renseignements, services et ressources nécessaires dans la mesure du possible »[11] et de « fournir aux clients des renseignements exacts et complets au sujet de l’étendue, de la nature et des limites de tous les services qui sont à leur disposition ».[12] Elle avait discuté avec son chef de service de son obligation d’aider les clients à obtenir les services souhaités si elle n’était pas en mesure de fournir elle-même l’aide professionnelle demandée.[13]
Il était également clair pour la membre que, dans ses documents, elle devait mentionner les services qu’elle avait fournis et en fournir la preuve.[14] Elle a examiné la question avec les Services des normes de pratique et a été en mesure de citer « qu’un dossier précis doit documenter avec exactitude la situation/le problème du client et ne renferme que l’information qui est appropriée et utile pour comprendre la situation et gérer le cas ».[15] La membre a expliqué qu’elle se sentait tiraillée entre ce qu’elle croyait être ses obligations professionnelles et ce que son chef lui avait dit de faire.
Le principe II, Compétence et intégrité, stipule : « S’il existe un conflit entre les normes d’exercice de l’Ordre et celles du milieu de travail d’un membre de l’Ordre, celui-ci se doit de se conformer au “Code de déontologie de l’Ordre des travailleurs sociaux et des techniciens en travail social de l’Ontario” et au “Manuel des normes d’exercice” ».[16] Malgré le soulagement qu’elle éprouvait, la membre a déclaré qu’elle trouvait difficile de devoir l’expliquer à son chef.
La membre pourrait se munir des normes et ressources de pratique pertinentes pour aborder cette question avec son chef, afin de démontrer pourquoi elle est tenue documenter ses actes et de fournir l’information demandée à son client. De plus, on a informé la membre que le Service de la pratique professionnelle se tient à la disposition des employeurs et du public pour les renseigner sur les obligations professionnelles des membres. À la fin de la consultation, la membre s’est sentie mieux préparée pour discuter avec son chef de service de ce qu’elle est tenue de faire pour exercer sa profession de façon professionnelle, éthique et responsable.
Conclusion
Cet article a traité de difficultés auxquelles les membres sont confrontés en cas de contradiction entre leur responsabilité professionnelle et les exigences de leur lieu de travail ou la pression exercée par leurs collègues. Dans de tels cas, il faut consulter le Code de déontologie et manuel des normes d’exercice pour faciliter la prise de décision, car il établit les normes minimales de pratique et de conduite professionnelles. La législation et les politiques pertinentes qui s’appliquent au lieu de travail d’un membre doivent également être prises en considération.
Les membres trouveront sous la rubrique Pratique professionnelle du site Web de l’Ordre de nombreuses ressources qui les aideront dans leur prise de décision. Les membres peuvent aussi consulter le Service de la pratique professionnelle. De plus, lorsqu’ils sont aux prises avec des problèmes difficiles dans l’exercice de leur profession, les membres auraient sans doute intérêt à en discuter avec un plus grand nombre de personnes, comme des collègues, un chef de service ou un superviseur, ou encore un avocat.
Pour de plus amples renseignements sur cette question ou d’autres problèmes de pratique, veuillez communiquer avec le Service de la pratique professionnelle à exercice@otsttso.org.