Notes sur la pratique: dossier de client(e) à jour, précis et pertinent

Notes sur la pratique: dossier de client(e) à jour, précis et pertinent

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Veuillez noter que le deuxième scénario des présentes Notes sur la pratique fait référence à des faits de violence conjugale. 

La rubrique Notes sur la pratique se veut un outil éducatif pour aider les travailleuses et travailleurs sociaux, les techniciennes et techniciens en travail social, les employeurs et les membres du public de l’Ontario à mieux comprendre les questions fréquentes que traitent le Service de la pratique professionnelle et le comité des plaintes de l’Ordre, et qui pourraient toucher la pratique quotidienne des personnes inscrites. Les Notes offrent une orientation générale uniquement, et les personnes inscrites1 qui ont des questions particulières sur la pratique doivent consulter l’Ordre, puisque les normes pertinentes et le plan d’action approprié varient suivant la situation donnée. 

Le Service de la pratique professionnelle mène de nombreuses consultations portant sur le contenu du dossier des clients, notamment en ce qui concerne le volume d’information que les personnes inscrites à l’Ordre doivent documenter. 

Les Normes d’exercice précisent l’objet du dossier des clients au début du Principe IV : Dossier de travail social et de techniques de travail social : 

  • documenter les services sous une forme reconnaissable; 
  • assurer la continuité et la qualité du service; 
  • établir la responsabilité et la preuve des services rendus; 
  • permettre l’évaluation de la qualité du service; et 
  • fournir des informations qui seront utilisées pour la recherche et l’éducation. 

Les personnes inscrites à l’Ordre doivent s’assurer que les dossiers sont à jour et exacts, qu’ils contiennent des renseignements pertinents sur les client(e)s et qu’ils sont gérés de manière à protéger la vie privée des client(e)s et conformément à toute loi sur la protection de la vie privée ou autre loi applicable.[2] [emphase ajoutée] 

RENSEIGNEMENTS PERTINENTS 

Les client(e)s confient aux personnes inscrites de nombreux détails importants à propos de leur vie. Lors de la tenue des dossiers, les personnes inscrites doivent faire appel à leurs compétences et à leur jugement professionnel afin de discerner les renseignements réellement pertinents. Cela peut poser des difficultés aux personnes inscrites qui sont en début de carrière ou qui viennent d’être embauchées par leur lieu de travail. Les personnes inscrites doivent néanmoins considérer l’objectif du dossier pour déterminer les renseignements qui sont pertinents, et elles doivent veiller à ce que les dossiers qu’elles constituent satisfassent aux normes établies par l’Ordre. 

Il peut parfois sembler difficile de déterminer quel est le volume approprié de renseignements à fournir à propos d’un(e) client(e). Toutefois, les personnes inscrites doivent garder à l’esprit que les pratiques de tenue des dossiers peuvent jouer plus ou moins favorablement sur la situation des client(e)s. Un dossier mal tenu, qui ne contient pas de renseignements pertinents, peut entraîner des risques pour les client(e)s. 

Pour autant, les dossiers cliniques n’ont pas vocation à retranscrire les entretiens avec les client(e)s de façon exhaustive. Les personnes inscrites doivent trouver le juste équilibre, et constituer un dossier qui contient suffisamment de renseignements et de détails, notamment les informations essentielles pour des soins efficaces, tout en expliquant succinctement le processus de prise de décision. Les interventions relatives aux client(e)s ou les plans de traitement doivent être rédigés clairement afin d’éviter des confusions et des malentendus au sein de l’équipe de soin, ou auprès des client(e)s et d’éventuels tiers (si ceux-ci étaient amenés à demander un exemplaire du dossier). Dans les contextes non cliniques, on veillera, pour éviter de piètres résultats à l’échelle communautaire ou systémique, à ce que les dossiers soient clairs pour éviter que les évaluations communautaires ou les recommandations en matière de politiques soient mal interprétées par les décideurs. La documentation contenue dans le dossier des client(e)s doit être claire et concise. 

RENSEIGNEMENTS À JOUR 

L’objectif de la tenue d’un dossier est clair : les personnes inscrites doivent établir la responsabilité et la preuve des services rendus. S’agissant de l’obligation de tenir les dossiers à jour, les Normes d’exercice soulignent que la documentation doit être fournie en temps opportun, et que « les personnes inscrites à l’Ordre doivent consigner les informations au moment où l’événement se produit ou dès que cela est raisonnablement possible par la suite ».[3] En outre, les personnes inscrites doivent veiller à ce que les renseignements consignés dans le dossier soient récents et à jour. 

RENSEIGNEMENTS EXACTS 

Par ailleurs, le Principe IV : Dossier de travail social et de techniques de travail social, interprétation 4.1.3, prévoit que : 

Les personnes inscrites à l’Ordre doivent tenir des dossiers précis. Un dossier précis doit : 

i) documenter clairement la situation du (de la) client(e) (ou du système client) tel qu’il ou elle l’a décrite; La création et la tenue de dossiers sont une composante essentielle de la pratique éthique et professionnelle. Le processus de préparation et d’organisation du matériel pour le dossier facilite la compréhension du (de la) client(e) et du système client et permet de planifier des interventions appropriées. Le dossier de travail social et de techniques de travail social vise les objectifs suivants : 
ii) ne contenir que les informations utiles à la compréhension de la situation et du résultat souhaité; 
iii) rapporter de manière impartiale et objective les facteurs pertinents à la situation du (de la) client(e), et faire une distinction claire entre les observations et opinions de la personne inscrite à l’Ordre et les informations rapportées par le (la) client(e); 
iv) être facile à comprendre, en évitant le langage ou les symboles vagues, peu clairs ou obscurs; 
v) mettre en évidence les corrections; 
vi) être exempt de tout préjugé ou remarque discriminatoire; 
vii) identifier les sources de données; 
viii) indiquer l’identité du prestataire de services.[4]

Il existe un lien étroit entre les renseignements à jour, les renseignements précis et les renseignements pertinents. L’exigence voulant qu’un dossier soit à jour est peut-être la plus évidente. Un dossier précis contient uniquement les informations utiles à la compréhension de la situation et du résultat souhaité. Cela permet de comprendre ce qui constitue un renseignement pertinent à inclure dans le dossier, un aspect épineux pour bon nombre de personnes inscrites, et que nous étudions dans les scénarios suivants. 

SCÉNARIO 1 — SE PERDRE DANS LES DÉTAILS 

Une personne inscrite commençant sa carrière dans un service d’aide sociale à l’enfance s’est rendue pour la première fois au domicile d’un client. L’un des membres de la famille du client a signalé que celui-ci accumulait de façon compulsive un nombre excessif d’objets, et que son domicile n’était pas sécuritaire pour les deux enfants y demeurant. La personne inscrite a trouvé au domicile concerné un grand nombre d’objets pouvant être dangereux. La personne inscrite s’est entretenue avec le client, qui lui a fourni un récit détaillé sur son histoire et celle de sa famille. De retour au bureau, la personne inscrite a informé son superviseur du déroulement de la visite et a documenté celle-ci. Elle a inclus une description détaillée des objets trouvés au domicile du client ainsi qu’une description exhaustive, et difficile à suivre, de l’histoire de cette famille. Après avoir lu le document rédigé par la personne inscrite, son superviseur lui a indiqué qu’elle avait inclus beaucoup plus de renseignements que nécessaire. Le superviseur a donc éprouvé des difficultés à évaluer la situation, les risques repérés et les recommandations formulées, et a recommandé à la personne inscrite d’être plus concise à l’avenir. La personne inscrite a alors contacté le Service de la pratique professionnelle pour lui demander de l’aider à mieux comprendre quels sont les renseignements à inclure dans le dossier. 

Le personnel du Service de la pratique professionnelle lui a expliqué que les personnes inscrites doivent faire appel à leur jugement professionnel pour déterminer ce qui est requis, quel que soit le contexte de pratique. Il lui a aussi rappelé de réfléchir à l’objectif visé par le dossier clinique. Il lui a demandé de considérer les points suivants, à titre d’exemple : 

  • Plutôt que de fournir une liste de tous les objets trouvés au domicile du client, la personne inscrite aurait-elle pu gagner en concision en décrivant des catégories d’objets et en soulignant seulement les objets présentant un risque particulier? Aurait-il été plus efficace de décrire l’état du domicile et d’inclure uniquement les objets les plus dangereux? 
  • S’agissant de l’histoire de la famille, la personne inscrite aurait-elle pu se limiter aux aspects les plus pertinents pour expliquer les événements récents? 
  • Si la personne inscrite a obtenu un historique très détaillé, aurait-elle pu organiser ses notes différemment afin de permettre de faire la distinction entre les éléments fournis par le client, les observations de la personne inscrite, les services fournis et le plan de traitement? 

L’équipe du Service de la pratique professionnelle a indiqué que lorsqu’une personne inscrite réfléchit aux renseignements à consigner, elle doit veiller à ce que les éléments portés au dossier incluent ou tiennent compte de ce qui suit : 

  • Renseignements utiles et applicables à la situation/ aux soins actuels du client ou de la cliente. 
  • Description des faits, du processus décisionnel et des mesures prises pour que, si nécessaire, un autre professionnel intervenant pour remplacer la personne inscrite puisse facilement comprendre le dossier, notamment ce qui a déjà été fait et ce qui reste à faire. 
  • Possibilité que d’autres personnes, notamment le client ou la cliente, des collègues ou des avocats, consultent le dossier. 

La personne inscrite a convenu de réfléchir à ces questions et considérations, et à discuter avec son superviseur des renseignements qui sont considérés comme essentiels pour ce dossier, dans ce contexte de pratique précis. Un dossier qui contient des renseignements clairs, concis et utiles pour les soins à fournir au client ou à la cliente fait gagner du temps et facilite la compréhension, ce qui influencera positivement les résultats pour le client ou la cliente. 

Le Service de la pratique professionnelle a également reçu des questions au sujet de la marche à suivre pour tenir les dossiers dans lesquels certains renseignements peuvent faire courir un danger grave. En particulier, certaines questions concernaient la tenue des dossiers dans un contexte de violence conjugale. Le scénario suivant donne un exemple dans le secteur des soins de santé, où les personnes inscrites peuvent être amenées à intervenir pour appuyer des client(e)s et leur famille. Cet exemple met en scène une approche prudente en matière de tenue de dossier. 

SCÉNARIO 2 — UNE EXCEPTION DÉLICATE : LA DOCUMENTATION MINIMALE 

Avertissement : Le contenu qui suit fait référence à une situation de violence conjugale 

Une personne inscrite travaillant dans l’unité de réadaptation d’un hôpital a contacté le Service de la pratique professionnelle au sujet d’un client admis dans l’unité. La conjointe du client lui rendait visite régulièrement et, avec la permission de celui-ci, la personne inscrite lui communiquait régulièrement des informations sur l’évolution de l’état du client. La conjointe avait aussi entrepris d’aménager la demeure du client en vue de la sortie de celui-ci. Au cours d’une visite, la conjointe a demandé à s’entretenir en privé avec la personne inscrite et lui a révélé que le client l’avait soumise à des violences conjugales. Par conséquent, elle redoutait le retour de son conjoint à leur domicile. La personne inscrite lui a fourni un soutien et l’a aiguillée vers des agences communautaires et des professionnels capables de l’aider. La personne inscrite a contacté le Service de la pratique professionnelle car elle n’était pas sûre de la marche à suivre pour consigner cet échange. Son client était le patient de l’hôpital; par conséquent, seul le client avait un dossier clinique. L’hôpital n’autorise pas l’ouverture de dossiers pour les personnes qui ne sont pas des patients. Cependant, la personne inscrite était préoccupée par le fait que, si elle consignait dans le dossier du client que la conjointe de celui-ci avait révélé des violences, le client pourrait un jour prendre connaissance de cette information et présenter un danger pour sa conjointe. 

La personne inscrite voulait savoir comment minimiser le danger couru par la conjointe tout en établissant sa propre responsabilité vis-à-vis des services rendus et en veillant à ce que son dossier soit précis. Le personnel du Service de la pratique professionnelle a suggéré que dans ce cas particulier, la personne inscrite pouvait envisager de documenter le soutien fourni à la conjointe dans le dossier du client, mais en se tenant à des détails limités pour minimiser tout danger. 

En fonction des faits particuliers à un cas et du contexte de pratique, les personnes inscrites peuvent déterminer que les détails relatifs au soutien offert aux conjoint(e) s de client(e)s doivent être consignés dans le dossier parce qu’ils sont pertinents pour les soins fournis aux client(e)s en question. Toutefois, dans des situations exceptionnelles comme celle évoquée dans ce scénario, la personne inscrite peut décider de consigner des détails de nature très générale. Dans ce scénario, la personne inscrite a déterminé qu’elle indiquerait dans le dossier du client qu’elle avait fourni un soutien à sa conjointe au sujet de la prochaine sortie du client et qu’elle lui avait communiqué des renseignements à propos des ressources communautaires existantes. 

La personne inscrite était d’avis que cette note rendait compte avec précision du service et du soutien fournis dans l’ensemble à la conjointe, tout en fournissant des renseignements pertinents pour le soin du client. La personne inscrite s’est également engagée à travailler avec son équipe et son chef pour proposer un changement organisationnel des politiques existantes et permettre l’ouverture de dossiers distincts pour les membres de la famille des clients. Le personnel du Service de la pratique professionnelle a rappelé que le fait de fournir des services à la conjointe de façon continue pouvait constituer un conflit d’intérêts, comme évoqué dans la note de pratique Gérer les conflits d’intérêts, et a recommandé d’orienter la conjointe vers des organismes communautaires au cas où elle contacterait de nouveau la personne inscrite pour obtenir un soutien. 

CONCLUSION 

La tenue de dossiers pour les client(e)s est une exigence en matière de pratique, et les personnes inscrites doivent prendre tous les jours de nombreuses décisions quant aux renseignements à faire figurer dans ces dossiers. L’information consignée dans le dossier doit établir la responsabilité et la preuve des services rendus par la personne inscrite, être à jour et exacte, et être pertinente pour les soins fournis aux client(e)s. Les personnes inscrites doivent mobiliser leur jugement professionnel pour déterminer le contenu approprié à faire figurer dans les notes concernant les client(e)s, et veiller à remplir leurs obligations professionnelles en matière de tenue de dossier. 

Il arrive souvent que les personnes inscrites recueillent des renseignements intéressants et importants auprès des client(e)s, et bien que cela soit essentiel pour établir la confiance et de bons rapports, il n’est pas obligatoire pour les personnes inscrites de produire des transcriptions de ces entrevues. Dans un cadre clinique où l’on fournit des soins directs, le dossier des client(e)s doit expliquer les facteurs et le processus décisionnel ayant motivé les interventions et les plans de traitement. Dans un cadre non clinique de soins indirects, le dossier doit montrer clairement pourquoi certaines recommandations sont préconisées par rapport à d’autres.  


[1] Avertissement : Les termes « membre » et « personne inscrite » sont synonymes et utilisés de manière interchangeable comme équivalents du terme « membre » figurant dans la Loi de 1998 sur le travail social et les techniques de travail social et ses règlements d’application. 
[2] Ordre des travailleurs sociaux et des techniciens en travail social de l’Ontario (OTSTTSO), Code de déontologie et Normes d’exercice, Troisième édition – 2023, Principe IV : Dossier de travail social et de techniques de travail social, premier paragraphe. 
[3] OTSTTSO, Code de déontologie et Normes d’exercice, Troisième édition – 2023, Principe IV : Dossier de travail social et de techniques de travail social, interprétation 4.1.12.
[4] OTSTTSO, Code de déontologie et Normes d’exercice, Troisième édition – 2023, Principe IV : Dossier de travail social et de techniques de travail social, interprétation 4.1.3.